L’Enchiridion
De son titre complet, l’Enchiridion Leonis papae serenissimo imperatori Carolo Magno in munus pretiosum datum, nuperrime mendis omnibus purgatum, est un volume de format in-12 (dimensions extérieures : 136 × 83 mm), qui comprenait initialement 1 feuille blanche, 115 pages, 1 feuille blanche et 20 planches (intégrées dans le texte). L’éditeur est inconnu ; l’ouvrage est situé à Rome [Romae] et daté de 1800.
Cette édition a été décrite par Dorbon-Aîné dans le no 1488 de Bibliotheca esoterica et présentée comme « l’une des rares éditions portant la date exacte d’impression ».
Le lieu d’impression est faux : au lieu de Rome, il s’agit bien plus vraisemblablement de Paris, de Troyes ou d’une autre ville de province, les situations et dates étant souvent fausses pour ces grimoires. La partie imprimée comprenait initialement 115 pages et 20 planches non paginées (dont 2 à figures doubles, soit, en fait, 18 planches). Le titre illustré d’un pentacle constitue la planche 1.
En raison d’un usage important, qui a laissé bien d’autres traces, on constate des manques : 3 feuilles de texte (les pages 21-24 et 69-70) et une feuille de planches (deux figures sur cette feuille unique, qui constituaient les pl. 4 et 5) sont perdues.
Pierre Richard est intervenu dans toute la partie imprimée du livre en multipliant annotations et ornements à l’encre brune, inégalement dense. Il est également intervenu en marge de la partie imprimée, faisant le tour de la page ou de la double page. On peut observer que ses textes sont plus développés sur les dos, initialement vierges, des planches.
Il a plus que doublé le volume initial en ajoutant 30 feuilles de papier assez épais entre la page de garde supérieure et le titre : ce nouveau bloc est, ici, par commodité, appelé augmentum antérieur.
Il a par ailleurs ajouté, de façon similaire, 30 autres feuilles du même papier entre le dos de la page 115 et la page de garde inférieure, partie dite augmentum postérieur. Il a ensuite pleinement utilisé le contreplat de la couverture, la garde supérieure et tout l’augm. ant., pour ses écrits et dessins, soit 63 pages au total, et a procédé de même dans la partie postérieure (de 63 pages également). Pour la description de ces parties rajoutées, on distingue une page 0, puis une p. 1 pour le recto de la garde supérieure, etc. jusqu’à la p. 62, qui fait face à la page de titre. La pagination d’origine de la partie imprimée est bien sûr maintenue, le verso de la page 115 est compté 116. Les planches conservées, aux rectos et aux versos couverts d’écrit, représentent, avec le titre, 17 feuilles. Pour l’augm. post., la pagination va de 1 à 63. L’ouvrage est assez dérelié, la reliure nous semble en partie refaite, avec des plats de cuir usés et très lustrés.
Cet ouvrage, transformé, comprend aujourd’hui, en pages ornées et inscrites par Richard, les 63 pages de l’augm. ant. avant le titre, les 110 pages restantes de la partie imprimée, les 34 pages (non paginées) des planches restantes, et les 63 pages de l’augm. post., soit un total de 270 pages.
L’Enchiridion a appartenu au milieu des années 1830 à un dénommé Jean Heitz (1777-1846). Ce dernier a mis en place un ex-libris manuscrit sur la garde supérieure, qui est bien lisible au milieu des écrits de Pierre Richard (voir notre article, p. 144 et suivantes).
Un cachet ancien, assez difficilement lisible celui-là, figure sur la page de titre : on peut y lire, semble-t-il, Musaeum District Metense (?) [*]. Ce cachet pourrait indiquer une provenance antérieure.
Utilisé par Jean Heitz puis parvenu aux mains de Pierre Richard, cet ouvrage a été, on le voit, à la fois très fortement augmenté et totalement métamorphosé.
[*] Des ouvrages portant le cachet marqué « district de metz » ont été vendus
en ventes publiques au cours des années récentes à Drouot.
On ne sait si ce cachet a un lien avec un réseau de colportage, les colporteurs étant en principe
très contrôlés. Le cachet figurant sur
la page de titre et évoquant le district
de Metz pourrait avoir été utilisé à partir du Directoire, au plus tard jusque
vers 1805, ce qui correspond à la date
de publication effective du livre.
Metz disposait d’un cabinet d’histoire naturelle depuis 1799, flanqué d’une bibliothèque : les débuts de ce cabinet ont été chaotiques, avec une première ouverture au public en 1817 seulement (voir Jean-Christophe Diedrich,
« Les musées de Metz au xixe siècle »
dans Chroniques du Graoully, n° 7, 1997 (Woippy), p. 40-47). Avec le retour
de la religion dès l’Empire et
la Restauration surtout, des ouvrages traitant de pratiques déviantes
par rapport à l’orthodoxie furent éliminés de bibliothèques. Le cheminement
de cet ouvrage est incertain : Heitz a pu
en faire l’acquisition à Sarrelouis,
où il est né et a vécu un certain temps,
ou bien dans la région de Metz-Bouzonville (l’Enchiridion a peut-être transité d’abord par les mains d’un lecteur juif). L’ouvrage a été très utilisé par Pierre Richard,
qui, en l’augmentant et en l’ornant, en a fait un ouvrage tout à fait différent.